À Méron, l'Outarde
volera-t-elle au secours des messicoles ?
par Marie-Claire MARZIO et Christophe
JOLIVET
Résumé : Les plantes messicoles ont
été introduites en Europe avec les
premières céréales au
Néolithique. D'origine anthropique, elles ont
été longtemps négligées par les
botanistes, mais toujours combattues par les agriculteurs.
Persuadés qu'elles constituent néanmoins un
patrimoine inestimable, certains naturalistes
s'inquiètent de leur régression très
rapide, voire de la disparition des plus spectaculaires
d'entre elles. La champagne de Méron est un site
où cette flore est encore miraculeusement abondante.
La LPO Anjou souhaite mener, avec les agriculteurs, un
programme de conservation des messicoles, associé
à celui déjà engagé pour
l'Outarde canepetière.
« Coquelicots et bleuets, cendrillons de nos
campagnes » titre un numéro spécial
de la Ligue suisse pour la protection de la Nature (1982),
dédié à la réhabilitation de ces
plantes persécutées avec acharnement par les
céréaliers.
Qui connaît le Glaïeul des moissons ou la Nigelle
des champs ? Qui se souvient encore de nos champs de
blé, agrémentés de Bleuets, Adonis,
Nielles, et autres plantes dites messicoles ?
L'agriculteur moderne les a presque complètement
éradiquées de notre paysage rural. Qui se
préoccupe de la disparition de ces belles
espèces végétales d'une grande
diversité ?
Or il existe actuellement en Maine-et-Loire un site refuge
de ces adventices menacées, la champagne de
Méron près de Montreuil-Bellay (carte 1)
où, depuis 1993, la LPO Anjou s'investit, ainsi que
sur la plaine de Douvy. Elle y conduit un programme de
conservation de l'Outarde canepetière Tetrax
tetrax, oiseau en très forte régression en
France et en Europe (JOLIVET 1993, 1994, 1996a et b). Sur
des jachères prioritaires pour l'outarde, afin
d'éviter tout broyage entre le
1er avril et le 31 août
(période où elle se reproduit), la LPO
prévoit d'appliquer « le retrait à
long terme sur 20 ans » (programme
agri-environnemental de l'Union européenne 2078/92).
Sept agriculteurs sont volontaires pour appliquer cette
mesure sur 35 ha. C'est dans ce contexte que les
botanistes de la LPO Anjou s'interrogent sur la
possibilité d'y associer un programme conservatoire
des plantes messicoles.

1. Présentation des messicoles
1.1. Vocabulaire
Le terme « messicole » (du latin
messis, moisson) désigne des plantes annuelles
qui poussent dans les champs de
céréales » (LAROUSSE). Du point de
vue botanique, la dénomination la plus précise
est « flore adventice
ségétale ». Le mot
« adventice » désigne une plante
qui croît sur un terrain cultivé sans y avoir
été semée ; l'adjectif
« ségétal » vient du
latin seges, moisson.
Pour le céréalier, les végétaux
infiltrés dans les cultures sont appelés
« herbes folles » ou
« mauvaises herbes » : la
malherbologie est maintenant une science qui s'emploie
à les bien connaître, même à l
'état de plantules, afin de les détruire, le
plus souvent chimiquement.
Pour le randonneur ou l'artiste, Coquelicots et Bleuets sont
simplement « des fleurs des
champs ».
1.2. Leurs caractéristiques
1.2.1. Aspect
Outre une série d'espèces d'apparence
effacée et banale (Céraistes, Vesces,
Luzernes, Graminées
), la flore messicole en
comporte d'autres aux corolles superbes et lumineuses,
telles les Adonis ou « Gouttes de
sang », joyaux de la plaine de Méron, le
Miroir de Vénus au velouté violet, le
Chrysanthème des moissons aux couronnes jaune d'or et
le Pied-d'alouette aux curieux fleurons bleu foncé,
etc.
1.2.2. Stratégie de survie
80 % des messicoles sont des plantes
annuelles, et la plupart ont une prodigieuse
fécondité (un coquelicot produit
jusqu'à 50 000 graines). Leurs semences
sont d'une robustesse étonnante. Elles supportent le
transit à travers le tube digestif des animaux
domestiques et se conservent dans le sol en moyenne de 10
à 50 ans (40 ans pour le coquelicot), sans
perdre leur pouvoir germinatif.
1.2.3. Origine
Seule une minorité des « mauvaises
herbes » appartient à la
végétation originelle de notre pays. Beaucoup
de compagnes des céréales sont parvenues avec
celles-ci en Europe, il y a environ 6 000 ans lors
de sa colonisation par des populations venues du
Moyen-Orient, puis des régions
méditerranéennes, et qui maîtrisaient
l'agriculture. Leurs semences sont arrivées
mêlées à celles des
céréales et se sont installées ensemble
sur nos sols défrichés. Les plus anciennement
installées, sont qualifiées
d'archéotypes par les botanistes (FOURNIER 1934-1940,
DES ABBAYES 1971) et sont des témoins de
l'histoire de notre agriculture depuis le
néolithique. À ce titre elles méritent
peut-être la même attention
qu'un monument
historique ! La plupart occupaient des sols
dénudés et pierreux (Adonis dans les steppes
chaudes et Bleuets dans les steppes froides) et se sont bien
adaptées aux sols labourés d'Europe même
en climat plus tempéré que celui de leur pays
d'origine, préférant néanmoins les sols
calcaires chauds. Actuellement, elles ne trouvent plus que
rarement un milieu propice à leur installation,
c'est-à-dire des sols nus, ou
régulièrement retournés et non
traités par des herbicides.
1.2.4. Menaces
Cette flore se développe dans des milieux
créés par l'activité humaine.
Malheureusement elle y concurrence les plantes
cultivées, et rend parfois leur récolte
toxique : ainsi la Nielle, plante médicinale par
ailleurs, a des propriétés
hémolytiques1 ;
elle a longtemps rendu impropre à la consommation le
pain dit « niellé ». Pour celui
qui vit du produit de la terre, les messicoles sont donc
indésirables et doivent être combattues. Depuis
toujours, l'homme a lutté contre les mauvaises
herbes, avec des moyens très efficaces, d'abord par
le tri des graines, puis l'utilisation des herbicides qui a
été fatale à certaines, notamment la
Nielle, dont la graine aussi grosse que celle du Blé
échappait aux tamis ! La flore
ségétale, qui comprenait 110 à 140
espèces selon les régions au
XIXe siècle, régresse
rapidement en France et dans les pays voisins. Dès
1931, PRÉAUBERT le remarque en Anjou. Actuellement
40 % des messicoles, surtout parmi les plus
brillantes, ont disparu ou sont « en voie de
disparition » en Europe.
Quelques botanistes européens de renom tentent
d'attirer l'attention sur leur sort pendant qu'il en est
encore temps.
En France, G. AYMONIN dès 1962 pour le Bassin
parisien, et Y. BARON (1989) en 1985 pour le Sud-Ouest ont
fait des rapports alarmants à ce sujet.
Ph. JAUZEIN a publié en 1995 une flore des champs
cultivés et indique les raisons de son travail. Il
écrit : « Espérons que cet
ouvrage, en attirant l'attention sur ces plantes rares ou
très rares, en aidant les défenseurs de la
nature à les reconnaître et à les
respecter, contribuera à préserver un
patrimoine végétal
inestimable. » Les botanistes de la LPO Anjou
en font bon usage !
2. Pourquoi les messicoles abondent-elles sur les
sites de Méron et Douvy ?
Chr. JOLIVET dans son étude de 1993 en aborde tous
les aspects (géologique, pédologique,
climatique, agricole, etc.). On s'y reportera avec
intérêt. Nous ne retiendrons ici que les
facteurs favorisant le maintien de végétaux en
régression, voire disparus ailleurs.
2.1. Paysage
La plaine de Douvy et la champagne de Méron
constituent un véritable prolongement, dans le
Maine-et-Loire, des vastes plaines
céréalières du Poitou-Charente. Les
vues sont lointaines et les échelles de vision
extrêmement élargies dans ce paysage
de plaine très ouvert, où les arbres
restent pratiquement absents.
2.2. Sol et sous-sol
Le sol de champagne est typique : il est
formé de rendzines2
rouges, sur calcaires durs en plaques, regorgeant de
fossiles (Ammonites et Bélemnites jurassiques). Le
fort taux de cailloux (plus de 30 %), la faible
profondeur du sol et l'absence de réserve hydrique
rendent la champagne de Méron et la partie
occidentale de la plaine de Douvy très contraignantes
pour l'exploitation agricole.
2.3. Climat
Le climat chaud et sec en été est
continental, et accentue les difficultés pour
l'agriculture. La moyenne des températures d'hiver
est équivalente à celle de Valence. Les
précipitations annuelles se limitent à
590 mm d'eau seulement.
Ces conditions de milieu sont uniques en Anjou. C'est l'une
des raisons pour lesquelles les terres de champagne se
révèlent très propices à
l'installation d'espèces thermophiles3
notamment messicoles, la plupart trouvant là des
similitudes avec leur lieu d'origine (Moyen-Orient, bassin
méditerranéen), ce qui explique en partie leur
abondance.
2.4. Parcelles, lisières, chemins
Le territoire des deux sites de Méron
(carte 2) et de Douvy est divisé en très
nombreuses parcelles cadastrales. Entre elles, existe un
important linéaire de chemins herbeux (en
pointillés sur la carte 2) : entre
2 500 et 3 400 m pour 100 ha (soit
27 km pour Méron). En 1988, R. CORILLION
signalait « l'important réseau de
chemins d'exploitation jouant le rôle d'un
conservatoire de messicoles » ; ce
réseau favorise le transport des semences par l'homme
et les animaux.
Les lisières entre les différents blocs de
cultures, très favorables aux outardes et aux plantes
messicoles, sont encore plus importantes : 23 km
environ pour 450 ha cultivés à
Méron.
2.5. Pratiques culturales
2.5.1. Elles sont identiques à celles des
autres régions
Les cultures tournent et se répartissent
ainsi :
les céréales d'hiver,
semées en automne et récoltées au mois
de juin suivant couvrent 25 % de la surface des deux
sites. Le cycle de développement de nombreuses
messicoles correspond à celui de ces espèces
cultivées ;
le tournesol occupe à lui seul
15 % de la champagne ;
le reste de la surface mise en valeur par
l'agriculture, est cultivée en petits pois, colza,
céréales de printemps.
2.5.2. Engrais
Les céréaliers n'emploient ici que peu
d'engrais notamment azotés. AYMONIN indique comme
cause de l'appauvrissement de la flore
ségétale l'emploi des amendements, qui
uniformisent le substrat et font disparaître les
espèces calcicoles tels l'Adonis ou le Bugle
Petit-Pin.
2.5.3. Herbicides
Enfin, si les parcelles cultivées font
l'objet d'un traitement herbicide, la juxtaposition de
cultures de céréales (Monocotylédones),
et de cultures de colza ou tournesol (Dicotylédones),
oblige les agriculteurs à ne pas traiter les
lisières. Beaucoup d'adventices s'y installent donc,
et c'est en les parcourant que le botaniste fait ses plus
intéressantes découvertes !
2.6. Jachères
Les jachères semées ou
spontanées, apparues en forte proportion en 1993,
suite à la réforme de la politique agricole
commune (PAC), constituent l'originalité de
l'occupation du sol puisque 39,5 % de la surface en
terres arables de Méron est alors classée en
jachères, tournantes pour la moitié d'entre
elles.
En 1993 de nombreuses jachères étaient
qualifiées de « nues » (sans
couvert végétal). Le sol était
remué régulièrement, ce qui rendait
l'installation des messicoles plus facile : 80 %
des messicoles sont des annuelles et ont une
stratégie d'implantation qui les font qualifier de
pionnières. Elles trouvent, entre les repousses de
l'année précédente, l'espace
nécessaire à leur développement. Ce
sont alors les belles friches à Bleuets, Coquelicots,
Adonis
, plaisir du botaniste, mais dont l'emplacement
diffère chaque année (carte 2). En effet,
si la jachère n'est pas à nouveau
retournée, la dynamique végétale se
poursuit, le milieu se ferme, les pionnières laissent
la place aux espèces plus compétitives,
essentiellement Graminées et Composées dont
les « superbes Chardons »
(Onopordon, Carduus, Cirsium). Cette
forme de jachère a été interdite
dès 1994 pour de multiples raisons notamment les
risques de dissémination des adventices des cultures,
hôtes potentiels de parasites et d'insectes
nuisibles.
3. Inventaire des messicoles de Méron
R. CORILLION (1988) a publié l'inventaire de la
flore de la plaine de Méron, soit 214 plantes
dont 26 % d'origine méditerranéenne.
Un quart des taxons recensés sont des messicoles
stricto sensu. Nous avons suivi ces plantes
régulièrement depuis 1991 et
réactualisé l'inventaire en 1995-1996.
Le tableau 1 (p. 68) rassemble exclusivement les
54 compagnes des moissons rencontrées, au cours
de ces 10 dernières années. Pour 1996 des
coefficients d'abondance ont été
attribués en colonne 4, en minuscule pour les
plus banales, en majuscule pour les plus remarquables
à divers titres, notamment par leur rareté
généralisée. La liste globale des
messicoles publiée en 1985 par G. AYMONIN pour le
Sud-Ouest, et celle de BOURNÉRIAS (1979) pour le
Bassin parisien constituent notre
référence ; Méron est en effet
à la charnière de ces deux régions.
À Méron, ont donc été vues la
plupart des plus belles adventices ségétales,
quelques-unes des plus rares (Adonis, Nigelle des champs,
Bleuets), en grande abondance certaines années.
Parmi elles, des Renonculacées, dont 3
qualifiées d'archéotypes par
FOURNIER :
la discrète Renoncule des champs
Ranunculus arvensis, aux curieux fruits
crochus, présente des stations assez
dispersées sur la champagne de Méron où
elle se propage sans doute accrochée aux animaux
(dissémination zoochore) ;
le Pied d'alouette Consolida
ambigua n'a pas été revu depuis
1988 ;
pour le spectaculaire Adonis d'automne
Adonis annua mal nommé, puisqu'il abonde en
mai-juin, 1996 a été une année de
grande luxuriance : il colonise même les milieux
peu ouverts, telle la zone industriel-le. Installé
presque en culture monospécifique sur une
jachère à sol travaillé, il subit au
début de mai un traitement herbicide qui le
déforme (tiges très épaisses, fleurs
atrophiées) mais qui permet, début juin, de
découvrir, entre ses pieds tordus, quelques sujets
d'Adonis flamme Adonis flammea de couleur rouge feu,
et aux pétales plus étroits.
Fin juin, cette même jachère se couvre de
centaines de plants de la jusque-là si rare
Nigelle des champs Nigella arvensis,
espèce voisine de la Nigelle de Damas
Nigella damascena, mais dépourvue d'involucre
sous la corolle. Cette dernière est très
cultivée dans les jardins d'où elle
s'échappe souvent.
Pied de nez de la nature, émerveillement du
botaniste face à la résistance des
adventices !
Une autre famille, celles des Apiacées, est bien
représentée avec le Peigne de
Vénus Scandix pecten-veneris, aux fruits
dont les becs atteignent six centimètres, le
Persil des champs Petroselinum segetum, ou la
Falcaire Falcaria vulgaris. Mais elle comporte
ici des espèces ségétales devenues
très rares, tels les Biforas et les Buplèvres.
Le Bifora rayonnant Bifora radians est
retrouvé chaque année à
proximité de ses stations antérieures sans
doute à cause de la forme de ses akènes dont
la dissémination se fait par gravité
(dissémination barochore). Le genre Bifora
à testicules Bifora testiculata
également aux fruits ronds et doubles, mais
ridés, a été observé en 1995 et
1996.
En 1993, L. BUSNEL découvrait, le long d'une
culture de blé, 150 pieds de Buplèvre
à feuilles en lanières Bupleurum
lancifolium aux feuilles entières et
embrassantes. Revu en 1995 en moins grande abondance, ses
semences doivent se trouver en latence dans le sol. Pour Y.
BARON et G. AYMONIN, ces 2 derniers taxons sont
présumés disparus, tout comme l'Adonis
flamme.
Parmi les Composées, le Bleuet Centaurea
cyanus (carte 2) est très répandu le
long des champs de céréales mais aussi de
colza. Il occupe parfois des jachères entières
tant à Méron qu'à Douvy. Le
Chrysanthème des moissons Chrysanthemum
segetum n'a pas été revu. Quant au
Xéranthème cylindrique Xeranthemum
cylindraceum, il est omniprésent sur toutes les
parcelles incultes.
Enfin, un seul pied du Glaïeul des moissons
Gladiolus italicus a été observé en
1987 ; plante à bulbe, il peut être
présumé, en l'état actuel de nos
recherches, à jamais disparu.
Le patrimoine messicole de Méron s'est donc
avéré stable dans la dernière
décennie. La redécouverte d'espèces
mentionnées par Marcel PIRON en 1961 (Adonis flamme,
Buplèvre à feuilles en lanières) peut
être due à la chance des observateurs, mais
correspond à la période 1992-1996 où
sont apparues les jachères tournantes recréant
chaque année sur des parcelles différentes des
conditions idéales de germination des messicoles.
4. Faut-il protéger des plantes d'origine
anthropique, et dont la survie ne dépend que de
l'homme ?
4.1. Leur origine anthropique explique le
peu d'attention que leur portaient les botanistes de terrain
et les protecteurs de la nature, plus attirés par la
végétation et les milieux naturels. De tout
temps il y a eu discrimination entre la flore d'origine
humaine par rapport à celle dite
« sauvage »
Aucune messicole au sens strict n'appartient à la
liste nationale des plantes protégées. De
plus, les arrêtés de protection
notent : «
les interdictions de
destruction, de coupe, de mutilation et d'arrachage ne sont
pas applicables aux opérations d'exploitation
courante des fonds ruraux sur les
parcelles habituellement
cultivées. »
Néanmoins quelques « listes
rouges » commencent à inclure les
messicoles (17 taxons pour le Massif armoricain) ;
la liste des plantes protégées en
région de Loire a même intégré le
Xéranthème cylindrique !
4.2. Et pourtant leur intérêt est
multiple :
leur beauté inspire peintres et
photographes ;
elles jouent un rôle très important
dans les équilibres biologiques : certaines
très mellifères (Réséda
raiponce) attirent un cortège d'insectes, tandis que
d'autres présentent un rôle attractif pour le
gibier (et peut-être l'outarde) ; chaque plante
disparue condamne à mort une dizaine de petites
espèces animales ;
certaines ont des propriétés
médicinales connues ou à
découvrir ;
d'autres peuvent être porteuses d'un
patrimoine génétique intéressant,
notamment de résistance à divers
facteurs ;
enfin, elles font partie historiquement et
culturellement de notre paysage rural ; certaines
évoquent des légendes mythologiques
évoquées par BAUMANN (1984) dans le Bouquet
d'Athéna, etc.
5. Que reste-t-il au protecteur de la nature pour que
cesse la disparition des messicoles ?
Des initiatives variées ont été
prises ici ou là, en Europe. L'une d'entre elles a
retenu notre attention car elle pourrait, peut-être,
inspirer une action sur les jachères de Méron.
S. CAUX (1993-1994) rapporte cette expérience
réussie en Allemagne, dite programme
lisières : « L'Office de
réglementation agricole allemand a pu, pour 1994,
conclure, avec 200 agriculteurs environ, des accords
d'exploitation et d'indemnisation concernant une
« bordure » protégée de
290 km, soit 190 ha [
] Les
parcelles recélant déjà des
espèces botaniques remarquables sont prioritairement
visées [
] Ces 200
agriculteurs [
] se sont engagés,
sur les bordures de leurs champs, à renoncer aux
herbicides et à réduire la quantité
d'engrais azotés [
] La lutte
mécanique contre les adventices est interdite sur les
bordures. » Commencée en 1983,
l'expérience a déjà rapporté ses
fruits puisque certaines espèces,
présumées disparues, tel l'Adonis
d'été sont réapparues sans, bien
sûr, qu'aucune réintroduction de semences n'ait
eu lieu.
Le rendement de ces bordures est plus faible
évidemment lors de la récolte. Chaque
cultivateur reçoit une aide financière de
800 DM par ha soit environ 2 600 F.
On notera qu'il fallut beaucoup de temps pour convaincre les
agriculteurs, mais grâce à une sensibilisation
importante entreprise par les associations de protection de
la nature, et par
le Ministère de
l'Agriculture, les mentalités ont
évolué.
6. Méron conservatoire de messicoles ? Comment
?
Grâce à la LPO, la champagne de Méron
est inscrite à l'inventaire ZNIEFF, situation rare
pour les sites à messicoles.
Pour les conserver, il convient de maintenir le paysage
originel de « pseudo-steppe »
cultivée. La zone industrielle, vaste de 200 ha,
jamais labourée, ne présente qu'un faible
intérêt pour les adventices annuelles.
6.1. Les acteurs
La conservation des espèces
végétales et animales en plaine
cultivée ne peut se réaliser qu'avec les
exploitants agricoles. Conserver les éléments
du patrimoine naturel telles que l'Outarde
canepetière et les plantes messicoles, revient
à agir avec eux pour introduire des pratiques
favorables aux espèces. Bien souvent, ces pratiques
correspondent à ce que faisaient les agriculteurs
avant l'intensification qui a débuté dans les
années soixante.
La conservation des messicoles et de l'outarde s'appuie sur
des savoir-faire, des pratiques agricoles séculaires.
Les jachères, même si elles sont obligatoires
actuellement, en sont un exemple flagrant. La conservation
de la nature en plaine céréalière
permet de faire revivre ces savoir-faire et de montrer
l'adaptation des pratiques agricoles d'il y a 40 ans
aux conditions du milieu. La conservation du patrimoine
naturel met donc en exergue un certain nombre de pratiques
d'exploitation des parcelles, qui faisaient partie d'une
culture locale. Pour l'Outarde canepetière - le
dossier le plus avancé - les agriculteurs sont
d'accord parce qu'il y a un intérêt financier,
certes, mais également parce qu'ils retrouvent des
façons de procéder qu'ils croyaient avoir
oubliées !
L'aspect psychologique apparaît donc très
important dans les actions de protection de la nature en
milieu agricole.
6.2. Jachères sur 20 ans
La mesure de retrait long terme sur 20 ans, telle
qu'elle a été conçue initialement, est
réalisée pour la conservation de l'Outarde
canepetière. Cette action prévoit la mise en
place d'un couvert spontané. S'il y a implantation,
celle-ci s'effectue lors de la première année.
Ensuite, les 7 exploitants agricoles, ayant souscrit un
contrat, entretiennent, sans le récolter, ni le
retourner, le couvert végétal, afin
d'éviter son évolution vers la friche dense,
défavorable aux outardes. L'entretien
mécanique (fauche, broyage) se réalise en
dehors de la période du 1er avril au
31 août afin que les poussins d'outardes ne
soient pas tués par les machines agricoles.
Tout traitement chimique est prohibé sur ces
parcelles sauf la première année en cas
d'implantation d'un couvert végétal :
ces mesures seraient néfastes à
l'implantation des messicoles, annuelles par
définition !
6.3. Proposer un programme d'action
Pour maintenir ou installer les plantes messicoles
remarquables dans les jachères entrant dans la mesure
de retrait long terme, un travail du sol est obligatoire,
tous les ans ou tous les deux ans.
Eu égard au coût que ce travail
représenterait pour les agriculteurs, il n'est pas
possible de concrétiser cette mesure sur toutes les
parcelles, ni même sur une parcelle entière. En
outre, prenons garde à la réaction des
exploitants face à des actions visant à
favoriser des « mauvaises herbes ».
L'information des agriculteurs des deux sites sur les
tenants et les aboutissants de l'opération
« outarde » et de l'éventuelle
action « messicole » apparaît ici
primordiale. Sans elle, rien ne sera possible.
6.4. Les étapes d'action
1° Information des exploitants agricoles sur
la flore messicole afin de les sensibiliser à ces
plantes mal connues et de leur montrer les modes de
propagation utilisés par ces espèces
végétales.
2° Analyse floristique initiale de
l'état des « jachères retrait
à long terme sur 20 ans », et des
parcelles contiguës. Ce travail, commencé en
1996, sera poursuivi en 1997 et au-delà, si
possible.
3° Création expérimentale,
sur des parcelles d'exploitants volontaires, de
saignées de 20 m ¥ 2 m. Ces
saignées correspondraient à des bandes de
terre retournées tous les ans. Ce travail
pourrait être accompli par l'agriculteur (mais il a un
coût) ou bien par des bénévoles de la
LPO Anjou. Ce sont des travaux de génie
écologique qui permettraient au sein des
jachères sur 20 ans d'accroître la
diversité du couvert végétal et l'effet
de lisière, par ailleurs très favorable
à l'outarde.
En effet, les saignées (deux à trois par
parcelle) seront couvertes d'une végétation
moins dense ; les mâles pourront y établir
leurs postes de chant, comme cela a été
vérifié pour certaines jachères fixes
depuis 1993.
4° Évaluation de l'action avec
les agriculteurs et les partenaires de l'action retrait
à long terme sur 20 ans : conseil
général de Maine-et-Loire, commune de
Montreuil-Bellay, chambre d'Agriculture de Maine-et-Loire,
parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine, DIREN
Pays de la Loire.
Conclusion
La conservation des plantes messicoles se
révélera plus difficile à
réaliser que celle de l'Outarde canepetière.
En effet, les actions ne se feront qu'avec les exploitants
agricoles. Autant l'outarde apparaît symbolique et
plaît aux agriculteurs, qui la connaissent de longue
date, autant les plantes messicoles sont qualifiées
de mauvaises herbes, qu'il faut éliminer. La phase
d'information auprès du monde agricole est
essentielle et demandera du temps. Mais c'est la garantie,
si elle réussit, d'assurer la pérennité
des messicoles de la champagne. L'outarde a ouvert la voie
et a apporté d'agréables surprises. Pourquoi
n'en serait-il pas de même pour les
messicoles ?
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l'Anjou, 72 : 24-29.
COSTE H., 1901. - Flore descriptive et
illustrée de la France, de la Corse, et des
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FOURNIER P., 1934-1940. - Les Quatre Flores de
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JAUZEIN P., 1995. - Flore des champs
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JOLIVET Chr., 1993. - Développement des
jachères et préservation de l'avifaune
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LPO Anjou, Chambre d'Agriculture de Maine-et-Loire.
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Bull. Gr. Angevin Ét. Orn., 22 (45) :
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JOLIVET Chr., 1996b. - Un programme de conservation de
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Anjou, 26 : 4.
PIRON M., 1977. - La Flore du Saumurois. CDDP
Angers.

  
 
1 qui détruit les
globules rouges.
2 sol peu
lessivé, développé sur roche
mère calcaire et contenant des fragments rocheux dans
une matrice argileuse rougeâtre.
3 capable de vivre
à des températures élevées.
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Crex
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