Crex, 1996, 1 : 37-40

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Sommaire du Crex n° 1, 1996

(PDF, 344 ko)

Un site de nidification original pour
la Sterne pierregarin Sterna hirundo

par Patrice PAILLEY et Jean-Claude BEAUDOIN

Introduction

Sur la Loire angevine, la Sterne pierregarin occupe les grèves et, moins souvent, certaines îles non boisées pour se reproduire (MARTIN et PAILLEY 1987, LERAY 1993 : 88-89). Or, en 1982, des nicheurs sont découverts sur le sommet des piles d'un ancien pont détruit.

Description du site et effectif reproducteur

Ces piles supportaient un pont ferroviaire enjambant la Loire, à un kilomètre en amont du bourg des Ponts-de-Cé ; il fut détruit au cours de la seconde guerre mondiale.
Les piles utilisées, au nombre de quatre, sont situées sur le bras principal, large de 325 m, et séparées les unes des autres par une quarantaine de mètres. Chaque pile a une hauteur de 7,60 m et leur sommet constitue une plateforme offrant 17,5 m2 utilisables à l'intérieur du rebord (fig. 1).

Fig. 1

La partie utilisable, encombrée de quelques débris de ferrailles, possède des plages terreuses colonisées par des herbes.
L'évolution du nombre de couples nicheurs figure sur le tableau 1.

tableau 1

L'abandon constaté en 1989 a vraisemblablement pour cause principale la fréquentation croissante du pied des piles par des pêcheurs. Depuis, toutes les tentatives de réoccupation par les sternes se sont avérées infructueuses.
Relevons que l'effectif annuel n'est pas négligeable puisque de 1983 à 1988 il a pu représenter de 6,4 à 15,6 % de la population ligérienne de Maine-et-Loire.

Suivi réalisé en 1986 et 1987

En même temps qu'était menée une étude sur une grève de nidification située 4 km en amont des piles (PAILLEY et BEAUDOIN 1994), il a paru opportun de suivre le déroulement de la reproduction sur ce site artificiel afin de dégager l'influence de sa situation privilégiée à l'abri des crues.

Matériel et méthodes

Les observations sont réalisées par Patrice PAILLEY à l'aide d'une paire de jumelles et d'une longue-vue. L'emplacement des couveurs est reporté sur un croquis à chaque séance d'observation conduite depuis l'une ou l'autre rive du fleuve. Deux ou trois séances hebdomadaires sont réalisées entre l'arrivée des migrateurs, en avril, et la désertion totale des piles vers la mi-août.

Résultats

Ceux-ci sont présentés sur les graphiques de la figure 2 (p. 39) et le tableau 2.

tableau 2

Discussion

L'analyse des résultats permet de dégager les remarques suivantes :
• l'époque des premières installations est très nettement influencée. Ainsi, en 1986, les premiers couveurs sont en place vers le 3 mai, soit avec une avance d'un mois et une semaine par rapport aux grèves les plus proches, longtemps inaccessibles en raison d'une période prolongée de hautes eaux (PAILLEY et BEAUDOIN 1994).
En 1987, les premières pontes sont déposées vers le 24 avril, soit 12 jours plus tôt que sur la grève suivie, pourtant accessible dès le milieu d'avril. Cela tend à démontrer que les oiseaux nichant sur les grèves peuvent différer leur ponte par précaution vis-à-vis d'une éventuelle remontée des eaux. Relevons aussi que la date du 24 avril n'a rien d'exceptionnel puisqu'elle correspond aux dates de ponte les plus précoces enregistrées sur des grèves à l'occasion de printemps avec de bas niveaux des eaux du fleuve, comme en 1976 et 1982 (CORMIER 1983, MARTIN et PAILLEY 1987).
• la durée de recrutement des couveurs est fort différente d'une année à l'autre. En 1986, la seconde vague d'installation a débuté au moment où les grèves les plus proches devenaient accessibles. Environ 4 couples, installés après le 17 juin, ont pu occuper des places laissées vacantes après le départ des familles les plus proches.
L'étalement de la période de recrutement en 1986 illustre le risque de sous-estimation du nombre réel de couples utilisant un site en l'absence de suivi régulier (cf. YÉSOU et FOUQUET 1990).
Au plus, était-il possible de détecter 87 % des nicheurs par un décompte placé dans la troisième semaine de juin.
En 1987, l'extrême brièveté du recrutement coïncide avec un niveau très bas des eaux depuis la mi-avril qui ne perturbe en rien l'installation sur les grèves.
• le succès de reproduction étant estimé par le nombre de jeunes à l'envol, une comparaison directe avec la grève proche n'est pas possible dans la mesure où le succès y a été évalué à partir de la production de très jeunes poussins (PAILLEY et BEAUDOIN 1994). Toutefois, on peut remarquer qu'en 1986 le nombre moyen de jeunes à l'envol (1,53) par couple ayant niché avec succès est presque identique au nombre moyen de jeunes poussins sur la grève (1,63), ce qui indique un succès plus élevé sur les piles de pont. En revanche, la production de jeunes durant les 2 années est un peu inférieure à celle observée sur d'autres sites artificiels présentant des analogies avec celui étudié en Loire angevine. Ainsi sur les musoirs du Rhin (DRONNEAU 1987), les couples ayant niché avec succès (n = 135) conduisent en moyenne 2 jeunes à l'envol. Cette valeur élevée est reliée aux qualités de ces ouvrages qui, en particulier, permettent un grand espacement des nids limitant ainsi les querelles entre couples voisins.
L'adoption des piles de pont n'est pas exempte d'inconvénients comme les risques de chute pour les poussins et les dérangements humains. Par ailleurs, après leur envol les jeunes ne reviennent jamais sur les piles et doivent donc trouver des sites de remplacement où ils seront ravitaillés.

Remerciements

Nous remercions Catherine LEBRUN et Jacqueline LANDRON pour leur aide sur le terrain et Myriam PAILLEY pour ses conseils dans l'élaboration du manuscrit.

Bibliographie

• CORMIER J.-P., 1983. - L'installation d'une colonie mixte Sterne pierregarin Sterna hirundo et Sterne naine Sterna albifrons en Loire, durant le printemps 1982. Bull. Soc. Sc. nat. Ouest de la France, nouvelle série, tome V (1) : 38-42.
• DRONNEAU C., 1987. - La Sterne pierregarin Sterna hirundo et la Sterne naine Sterna albifrons en Alsace. Ann. Biol. Centre, 2 : 149-163.
• LE MAO P., 1983. - Analyse de l'arrivée des estivants nicheurs en Maine-et-Loire (observations de 1961 à 1980). Bull. Gr. Angevin Ét. Orn., 13 (34) : 37-61.
• LERAY V., 1993. - Les oiseaux de l'île de Parnay sur la Loire. LPO Anjou. Angers.
• MARTIN H., PAILLEY P., 1987. - Les populations nicheuses de Sterne pierregarin Sterna hirundo et de Sterne naine Sterna albifrons en Maine-et-Loire. Ann. Biol. Centre, 2 : 49-76.
• PAILLEY P., BEAUDOIN J.-Cl., 1994. - Trois années de suivi d'une colonie mixte de Sternes pierregarins Sterna hirundo, de Sternes naines Sterna albifrons et de Petits Gravelots Charadrius dubius en Loire angevine. Bull. Gr. Angevin Ét. Orn., 22 (45) : 55-60.
• YÉSOU P., FOUQUET M., 1990. - Date de recensement et sous-estimation des effectifs nicheurs chez la Sterne pierregarin Sterna hirundo. L'Oiseau et R.F.O., 60 (1) : 50-54.
• Archives et bulletins du Groupe Angevin d'études ornithologiques et de la LPO Anjou.

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