Un site de nidification original pour
la Sterne pierregarin Sterna
hirundo
par Patrice PAILLEY et Jean-Claude
BEAUDOIN
Introduction
Sur la Loire angevine, la Sterne pierregarin occupe les
grèves et, moins souvent, certaines îles non
boisées pour se reproduire (MARTIN
et PAILLEY 1987, LERAY
1993 : 88-89). Or, en 1982, des nicheurs sont
découverts sur le sommet des piles d'un ancien pont
détruit.
Description du site et effectif reproducteur
Ces piles supportaient un pont ferroviaire enjambant la
Loire, à un kilomètre en amont du bourg des
Ponts-de-Cé ; il fut détruit au cours de
la seconde guerre mondiale.
Les piles utilisées, au nombre de quatre, sont
situées sur le bras principal, large de 325 m,
et séparées les unes des autres par une
quarantaine de mètres. Chaque pile a une hauteur de
7,60 m et leur sommet constitue une plateforme offrant
17,5 m2 utilisables à
l'intérieur du rebord (fig. 1).
La partie utilisable, encombrée de quelques
débris de ferrailles, possède des plages
terreuses colonisées par des herbes.
L'évolution du nombre de couples nicheurs figure sur
le tableau 1.
L'abandon constaté en 1989 a vraisemblablement
pour cause principale la fréquentation croissante du
pied des piles par des pêcheurs. Depuis, toutes les
tentatives de réoccupation par les sternes se sont
avérées infructueuses.
Relevons que l'effectif annuel n'est pas négligeable
puisque de 1983 à 1988 il a pu représenter de
6,4 à 15,6 % de la population ligérienne
de Maine-et-Loire.
Suivi réalisé en 1986 et 1987
En même temps qu'était menée une
étude sur une grève de nidification
située 4 km en amont des piles (PAILLEY
et BEAUDOIN 1994), il a paru opportun de suivre le
déroulement de la reproduction sur ce site artificiel
afin de dégager l'influence de sa situation
privilégiée à l'abri des crues.
Matériel et méthodes
Les observations sont réalisées par Patrice
PAILLEY à l'aide d'une paire de jumelles et d'une
longue-vue. L'emplacement des couveurs est reporté
sur un croquis à chaque séance d'observation
conduite depuis l'une ou l'autre rive du fleuve. Deux ou
trois séances hebdomadaires sont
réalisées entre l'arrivée des
migrateurs, en avril, et la désertion totale des
piles vers la mi-août.
Résultats
Ceux-ci sont présentés sur les graphiques
de la figure 2 (p. 39) et le tableau 2.
Discussion
L'analyse des résultats permet de dégager
les remarques suivantes :
l'époque des premières
installations est très nettement
influencée. Ainsi, en 1986, les premiers couveurs
sont en place vers le 3 mai, soit avec une avance d'un
mois et une semaine par rapport aux grèves les plus
proches, longtemps inaccessibles en raison d'une
période prolongée de hautes eaux (PAILLEY
et BEAUDOIN 1994).
En 1987, les premières pontes sont
déposées vers le 24 avril, soit
12 jours plus tôt que sur la grève suivie,
pourtant accessible dès le milieu d'avril. Cela tend
à démontrer que les oiseaux nichant sur les
grèves peuvent différer leur ponte par
précaution vis-à-vis d'une éventuelle
remontée des eaux. Relevons aussi que la date du
24 avril n'a rien d'exceptionnel puisqu'elle correspond
aux dates de ponte les plus précoces
enregistrées sur des grèves à
l'occasion de printemps avec de bas niveaux des eaux du
fleuve, comme en 1976 et 1982 (CORMIER
1983, MARTIN et PAILLEY
1987).
la durée de recrutement des
couveurs est fort différente d'une année
à l'autre. En 1986, la seconde vague d'installation a
débuté au moment où les grèves
les plus proches devenaient accessibles. Environ
4 couples, installés après le
17 juin, ont pu occuper des places laissées
vacantes après le départ des familles les plus
proches.
L'étalement de la période de recrutement en
1986 illustre le risque de sous-estimation du nombre
réel de couples utilisant un site en l'absence de
suivi régulier (cf. YÉSOU
et FOUQUET 1990).
Au plus, était-il possible de détecter
87 % des nicheurs par un décompte placé
dans la troisième semaine de juin.
En 1987, l'extrême brièveté du
recrutement coïncide avec un niveau très bas des
eaux depuis la mi-avril qui ne perturbe en rien
l'installation sur les grèves.
le succès de reproduction
étant estimé par le nombre de jeunes à
l'envol, une comparaison directe avec la grève proche
n'est pas possible dans la mesure où le succès
y a été évalué à partir
de la production de très jeunes poussins (PAILLEY
et BEAUDOIN 1994). Toutefois, on peut remarquer qu'en
1986 le nombre moyen de jeunes à l'envol (1,53) par
couple ayant niché avec succès est presque
identique au nombre moyen de jeunes poussins sur la
grève (1,63), ce qui indique un succès plus
élevé sur les piles de pont. En revanche, la
production de jeunes durant les 2 années est un
peu inférieure à celle observée sur
d'autres sites artificiels présentant des analogies
avec celui étudié en Loire angevine. Ainsi sur
les musoirs du Rhin (DRONNEAU
1987), les couples ayant niché avec succès
(n = 135) conduisent en moyenne 2 jeunes à
l'envol. Cette valeur élevée est reliée
aux qualités de ces ouvrages qui, en particulier,
permettent un grand espacement des nids limitant ainsi les
querelles entre couples voisins.
L'adoption des piles de pont n'est pas exempte
d'inconvénients comme les risques de chute pour les
poussins et les dérangements humains. Par ailleurs,
après leur envol les jeunes ne reviennent jamais sur
les piles et doivent donc trouver des sites de remplacement
où ils seront ravitaillés.
Remerciements
Nous remercions Catherine LEBRUN et Jacqueline LANDRON
pour leur aide sur le terrain et Myriam PAILLEY pour ses
conseils dans l'élaboration du manuscrit.
Bibliographie
CORMIER J.-P., 1983.
- L'installation d'une colonie mixte Sterne pierregarin
Sterna hirundo et Sterne naine Sterna albifrons
en Loire, durant le printemps 1982. Bull. Soc. Sc. nat.
Ouest de la France, nouvelle série, tome V
(1) : 38-42.
DRONNEAU C., 1987. - La
Sterne pierregarin Sterna hirundo et la Sterne
naine Sterna albifrons en Alsace. Ann. Biol.
Centre, 2 : 149-163.
LE MAO P., 1983. - Analyse
de l'arrivée des estivants nicheurs en Maine-et-Loire
(observations de 1961 à 1980). Bull. Gr. Angevin
Ét. Orn., 13 (34) : 37-61.
LERAY V., 1993. - Les
oiseaux de l'île de Parnay sur la Loire. LPO
Anjou. Angers.
MARTIN H., PAILLEY P.,
1987. - Les populations nicheuses de Sterne pierregarin
Sterna hirundo et de Sterne naine Sterna
albifrons en Maine-et-Loire. Ann. Biol. Centre,
2 : 49-76.
PAILLEY P., BEAUDOIN
J.-Cl., 1994. - Trois années de suivi d'une colonie
mixte de Sternes pierregarins Sterna hirundo, de
Sternes naines Sterna albifrons et de Petits
Gravelots Charadrius dubius en Loire angevine.
Bull. Gr. Angevin Ét. Orn., 22 (45) :
55-60.
YÉSOU P., FOUQUET
M., 1990. - Date de recensement et sous-estimation des
effectifs nicheurs chez la Sterne pierregarin Sterna
hirundo. L'Oiseau et R.F.O., 60 (1) :
50-54.
Archives et bulletins du Groupe Angevin
d'études ornithologiques et de la LPO Anjou.
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