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En dépit de fortes présomptions
accumulées depuis 1979 (BEAUDOIN
et FOSSÉ 1988), jamais la nidification du Courlis
cendré Numenius arquata n'avait pu être
prouvée de façon certaine en Maine-et-Loire.
Toutefois, 2 observations antérieures à
1994 concernent manifestement des tentatives de
nidification. Ainsi, le 6 mai 1986, dans la champagne
de Méron près de Montreuil-Bellay, un couple
de Courlis cendrés alarme autour d'un tracteur
retournant une prairie. Plus récemment, le 5 juin
1993, une observation similaire est réalisée
en vallée de la Tau, où 2 individus
alarment au-dessus d'un tracteur fauchant une parcelle. Ces
2 données représentent les deux plus
sérieux indices de reproduction de ce limicole en
Anjou
jusqu'au 5 juillet 1994. Bibliographie BEAUDOIN J.-Cl.,
FOSSÉ A., 1988.- Résultats de l'enquête
Limicoles nicheurs en Maine-et-Loire en 1984. Bull. Gr.
Angevin Ét. Orn., 17 (40) : 33-43.
En effet, c'est à cette date qu'un couple de Courlis
cendrés, cantonné sur la vallée de
Saint-Germain-des-Prés dans un vaste secteur de
prairies humides (130 ha), est observé
accompagné de 3 jeunes. Repéré sur
le site le 6 mai 1994, le couple, plus discret que farouche,
n'est revu que le 27 juin, malgré plusieurs
prospections effectuées entre ces deux dates.
Les cris d'alarme des adultes retentissent dès qu'un
prédateur, rapace ou Corvidé,
pénètre sur le territoire du couple. L'un des
courlis (le mâle ?) va jusqu'à poursuivre
une Buse variable Buteo buteo en la harcelant sur
plus de 300 m. Le limicole, après retour sur le
site, se pose dans une parcelle non fauchée, en
poussant un cri étrange, une sorte d'appel :
« diak
diak
diak
».
Cette parcelle, l'une des seules à ne pas avoir
été fauchée en cette fin du mois de
juin, apparaît comme un refuge idéal pour les
adultes et leurs jeunes.
C'est pourquoi des ornithologues ont participé, avec
l'accord de l'exploitant, à la fauche de cette
parcelle le 2 juillet, afin d'éviter que la
nichée ne soit détruite comme ce fut
vraisemblablement le cas en vallée de la Tau en 1993.
Aucun jeune n'est pourtant découvert. Les adultes se
sont même déplacés d'environ 500 m.
à l'ouest, dans une seconde prairie récemment
fauchée. Les recherches continuent les jours suivants
et, le 5 juillet, sont observés
3 juvéniles d'une taille équivalente
à un peu plus des trois quarts de celle des adultes.
Les 3 jeunes courlis se nourrissent à
découvert, sous l'étroite vigilance de l'un
des 2 adultes. Le second parent, éloigné
d'une centaine de mètres, crie à la moindre
alerte, ce qui provoque un comportement de dissimulation des
jeunes qui se tapissent aussitôt au sol.
D'après la littérature, les jeunes sont
volants vers 40 jours : au 5 juillet, on peut
leur donner un âge de 30-35 jours ; ce qui
amène l'éclosion au début de juin et la
ponte vers le 10 mai (environ 25 jours de
couvaison). Cette précision témoigne d'un
certain retard dans l'installation du couple sur le site.
Ces oiseaux pourraient correspondre aux 2 courlis
observés à la mi-avril en vallée de la
Tau sur les parcelles où des indices de nidification
avaient été obtenus en 1993. Alarmant
déjà fortement, les courlis disparaissent de
la vallée de la Tau après le 17 avril et
ont probablement trouvé ensuite le territoire de la
vallée de Saint-Germain-des-Prés, situé
à 6 km, ce qui expliquerait le retard dans leur
installation.
En 1995, des oiseaux sont repérés sur le site
de Saint-Germain-des-Prés dès le mois de
février et, à la fin de mars, le couple est
observé houspillant successivement 2 Buses
variables. Le 14 mai, Vincent PASQUIER aperçoit
3 oiseaux dont 2 se dirigent vers lui en alarmant
tandis que le troisième demeure à
l'écart.
Deux prospections soutenues le 11 juin et le
12 juillet sont sans résultat : elles ont
peut-être été trop tardives eu
égard à la précocité de
l'installation du couple sur le secteur. Étant
donné qu'aucune investigation n'a été,
à notre connaissance, réalisée sur le
site, du 17 mai au 11 juin, nous ne pouvons pas
affirmer de façon certaine que la nidification a
échoué.
Si l'on considère en effet que la ponte s'est
produite vers le 10 avril, les jeunes sont nés
vers le 5 mai et se sont envolés au plus tard le
14 juin. Une observation d'un Courlis cendré le
28 juillet 1995 sur la Loire, à Montjean,
pourrait se rapporter à un jeune, mais l'absence de
précision sur la classe d'âge ne nous permet
pas de trancher.
La dispersion des jeunes avait déjà
été signalée en 1994 puisque le
25 juillet, un Courlis cendré présentant
un bec court (il s'agit d'un jeune) est observé sur
une grève de Loire à l'île Meslet,
située à 8 km en aval, sur la commune du
Mesnil-en-Vallée.
En définitive, la réussite de la nidification,
plutôt tardive, se révèle exceptionnelle
en 1994 dans ce secteur du val de Loire, car habituellement,
les fauches apparaissent plus précoces
(10-15 juin). En 1994, ce sont des ennuis
mécaniques qui ont repoussé la fenaison sur la
parcelle concernée (panne de faucheuse). En revanche,
l'exemple de 1995 montre qu'une nidification
« à date normale » peut laisser
le temps aux jeunes de s'envoler avant le début des
fauches
même si aucun juvénile n'a
été découvert sur le site ce dernier
printemps.
Les tentatives d'implantation en Maine-et-Loire depuis
15 ans ont, à notre connaissance,
concerné 7 sites différents, souvent fort
éloignés les uns des autres. Cette relative
dynamique est pour le moins surprenante dans la mesure
où les populations occupant l'ouest et le centre de
la France connaissent un déclin marqué
à l'exception de celle de Normandie (SIGWALT
1994).
SIGWALT P.,
1994.-Courlis cendré in YEATMAN-BERTHELOT D.,
JARRY G., 1994.- Nouvel Atlas des oiseaux nicheurs de
France. 1985-1989. Société ornithologique
de France. Paris : 302-305.
Archives et bulletins du Groupe angevin
d'études ornithologiques et de la LPO Anjou.